Le pardon : un chemin de libération humaine et divine

Un long chemin intérieur
Le pardon, pour moi, a été un chemin. Un long chemin.
Je dirais que, à hauteur d’homme :
« Pardonner, ce n’est pas oublier. C’est regarder une cicatrice avec bienveillance et amour. Elle est là, on ne l’efface pas, mais elle ne fait plus mal. On n’en souffre plus. »
Au début de ma vie, le pardon me paraissait impossible. Quand quelqu’un m’avait blessée – par une parole, un geste, une trahison – quelque chose en moi était touché : mon égo, mes valeurs, ma dignité, ma fierté, mon identité. Je me sentais trahie, rejetée, bafouée.
J’étais dans une logique très simple : œil pour œil, dent pour dent. C’était la loi du talion. Je voulais que justice soit faite, d’une manière ou d’une autre.
Pardonner, d’abord pour soi
Puis, avec le temps, j’ai compris qu’il me fallait avancer. J’ai essayé de pardonner, humainement.
Et j’ai commencé à connaître les vertus du pardon, d’abord pour moi. Comme un acte qui me guérit, me libère, et me permet d’avancer sans rester enfermée dans la douleur et le ressassement.
« Ce qui s’est passé ne me détruira pas. »
C’était d’abord un acte solitaire, unilatéral. L’autre n’était pas là. L’autre ne reconnaissait rien. Et pourtant, cela me faisait déjà du bien à moi.
Le pardon, un acte de foi
Je voulais aussi mettre en pratique ce que le Notre Père nous enseigne :
« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »
C’était parfois un peu comme un Yom Kippour rituel intérieur : je me forçais à pardonner, parce que la foi me disait que c’était juste. Mais souvent… c’était au-dessus de mes forces.
J’avais en tête ce dialogue de l’Évangile, où Pierre demande à Jésus :
« Combien de fois dois-je pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »
Et Jésus répond :
« Jusqu’à soixante-dix fois sept fois. » (Matthieu 18,21-22)
Ce pardon-là dépasse nos forces. C’est un acte d’amour, mais un amour que seul Dieu peut rendre possible en nous.
Alors j’ai demandé de l’aide à Dieu. J’ai prié pour qu’Il m’aide à pardonner, à discerner le moment juste. Et peu à peu, une paix différente s’est installée. Dieu me donnait la force de passer à autre chose, de voir avec Ses yeux.
Le pardon de Dieu précède tout
Pour moi, il n’y a pas de pardon humain possible sans le pardon divin. Tout commence là.
Dieu a donné son Fils pour que nous soyons sauvés et pour nous montrer le chemin. Sur la croix, Jésus dit :
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23,34)
Il ne réclame pas justice. Il ne maudit pas. Il confie tout au Père.
Dans le Notre Père, Jésus nous apprend à dire :
« Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » (Matthieu 6,12)
Le grec biblique révèle une profondeur théologique précieuse.
Le verbe « pardonne-nous » est à l’aoriste : un temps qui exprime une action accomplie, hors du temps. Il désigne le pardon de Dieu : radical, inconditionnel, donné une fois pour toutes.
Le verbe « comme nous pardonnons » est au présent : un temps continu. Il parle du pardon humain, celui qu’on apprend, qu’on recommence, jour après jour, pas après pas.
Le mot grec aphièmi signifie : laisser aller, relâcher, libérer une dette. Il est proche de aphésis : rémission, délivrance.
Dans l’Ancien Testament, seul Dieu peut pardonner. C’est pourquoi, quand Jésus le fait, les autorités religieuses s’indignent :
« Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul ? » (Marc 2,7)
Mais Jésus ne réserve pas le pardon à un jour de fête. Il pardonnait chaque jour, librement. Il libérait les cœurs au présent.
Quand on vit avec Dieu, le pardon devient presque superflu
Aujourd’hui… maintenant que je vis avec Lui, en Lui, j’ai l’impression que je n’ai même plus besoin de pardonner.
Je n’attends plus de réparation. Je ne ressens plus le besoin de libérer ce que je ne retiens plus.
Pas parce que le mal a disparu. Mais parce que je ne suis plus atteinte de la même manière.
Quand on me fait du mal, je l’accueille comme quelque chose que Dieu me permet de vivre, de comprendre, de traverser.
Et cela ne me détruit plus. Cela me renforce.
C’est comme si l’amour de Dieu absorbait tout avant que cela ne m’atteigne.
Jésus aussi a été moqué, trahi, humilié. Et pourtant, il n’est pas détruit. Il reste dans l’amour du Père.
Et Paul dit :
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. » (Galates 2,20)
Quand Christ vit en moi, je deviens libre. Le regard de l’autre ne me déstabilise plus. Je ne garde rien contre personne, car rien ne peut me séparer de l’amour de Dieu.